35.
Incessant nightmares hammering
Repetitive
Daily
Not a nap not a night that is free of these nightmares of
carcasses
Of dead animals
Tracking me
Attacking me
Violently
Taking on the features of my loved ones of my deepest
fears
Endless lifeless nightless nightmares
Starting to wakefulness
Sheets drenched in sweat
Almost every night
Sometimes I scream
Every night I know the slaughterhouse will follow me
into my nightmares
And yet
Pushing my quarters of meat each one weighing one
hundred kilos
I don’t think I’m the worst off
Of what do they dream
The offal workers
Who
Every nap
Every night
Every working day at the slaughterhouse
Watch the heads of cows fall from the floor above
And pick each head up one by one
Fixing it to a suitable piece of machinery between steel
hooks
Cutting off cheeks and chops and tossing away the jaws
and remains of the skull
Eight hours a day tête-à-tête
Of what do they dream
The leathers guys
That’s what they call them the ones who tear off the
skins of the animals right after they’ve been killed
The skins will then be sold to tanners or to god knows
who else
They say it’s back-breaking that job
That the casuals turn over like the sails of a windmill on
a stormy day
That’s how hard it is
Physically
Morally
All day
Tearing off cows’ skin
Of what do they dream
The guys wielding the branding irons
Because every quarter of every beast is branded with
a slaughterhouse number
A unique identifier
Traceability
They brand the flesh of the animal after the leathers
guys have done their work
Change numbers for every beast
Well yeah
It’s one of the jobs in the factory
Some people spend their working day branding the
animals with a branding iron and changing the settings
between each kill
Next week
I’ve got a date with the physio
My body is being slowly ravaged by this solid month
on carcasses
My whole body
My muscles my joints my lumbar region my cervical
vertebrae
Other body parts that I can’t even identify
‘The body is a tomb for the soul’
So the ancient Greek maxim goes
And I see that
The soul too can be a tomb for bodies
My nightmares exist just at the point
Of what my body can endure
This is an extract from On the Line by Joseph Ponthus, translated by Stephanie Smee, published by Black Inc. Books.
35.
Incessants cauchemars martelés
Répétitifs
Quotidiens
Pas une sieste pas une nuit sans ces mauvais
rêves de carcasses
De bêtes mortes
Qui me tombent sur la gueule
Qui m’agressent
Atrocement
Qui prennent le visage de mes proches ou de mes
peurs les plus profondes
Cauchemars sans fin sans vie sans nuit
Des réveils en sursaut
Draps inondés de sueur
Presque toutes les nuits
Parfois je hurle
Toutes les nuits je sais que je vais emporter
l’abattoir dans mes mauvais rêves
Et pourtant
À pousser mes quartiers de viande de cent kilos
chacun
Je ne pense pas être le plus à plaindre
De quoi rêvent-ils
Toutes les siestes
Toutes les nuits
Ceux qui sont aux abats
Et qui
Tous les jours que l’abattoir fait
Voient tomber des têtes de vache de l’étage
supérieur
Prennent une tête par une
La calent entre des crocs d’acier sur une machine
idoine
Découpent les joues les babines puis jettent
les mâchoires et le reste du crâne
Huit heures par jour en tête à tête
De quoi rêvent-ils
Ceux qui sont aux cuirs
C’est ainsi qu’on appelle ceux qui arrachent les
peaux des bêtes juste après qu’elles ont été tuées
Les peaux seront ensuite vendues à des tanneurs
ou je ne sais qui
Il paraît que ce poste est éreintant
Que les intérimaires tournent comme ailes de
moulin jours de tempête
Tellement c’est dur
Physiquement
Moralement
Arracher des peaux de vache toute la journée
De quoi rêvent-ils ceux qui sont aux fers
Puisque chaque quartier de bête est marqué d’un
numéro de tuerie
Identifiant unique
Traçabilité
Ils marquent la chair de la bête après que ceux des
cuirs ont fait leur œuvre
Changent de numéro à chaque bête
Eh oui
C’est un des postes de l’usine
Des gens passent leur travail à marquer des bêtes
au fer rouge et à changer les plaques de numéro
entre chaque tuerie
La semaine prochaine
J’ai rencard chez le kiné
Mon corps commence doucement à être ravagé par
ce bon mois de carcasses
Tout mon corps
Mes muscles mes articulations mes lombaires mes
cervicales
Le reste de mon corps dont je ne sais pas le nom
« Le corps est un tombeau pour l’âme »
Dit la vieille maxime grecque classique
Et je réalise que
L’âme est aussi un tombeau pour les corps
Mes cauchemars sont juste à la hauteur
De ce que mon corps endure
© Éditions de La Table Ronde, 2019
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