1.
Entering the factory
Of course I was ready for
The stench
The cold
The shifting of heavy loads
The harshness of it all
The conditions
The production line
The modern slavery
I wasn’t there to report on it
Nor was I readying myself for the revolution
No
The factory means I get to earn a buck
Put food on the table
As the saying goes
Because my wife is sick of seeing me lounge around
on the couch waiting for a job in my field
So it’s
The agro-industrial plant for me
Food processing
The agro industry
As they say
A factory in Brittany
Handling processing cooking and all things fish
and prawns
I’m not there to write
I’m there for the money
At the temp agency they ask me when I can start
I pull out the Victor Hugo
My usual literary go-to
Tried and tested
‘Tomorrow at dawn when the countryside pales I guess’
They take me at my word and the next day I clock on at
six in the morning
As the hours and days go by the need to write embeds
itself like a bone in my throat I can’t dislodge
But not of the grimness of the factory
Rather its paradoxical beauty
On my production line I often find myself thinking of a
parable
One of Claudel’s I’m pretty sure
A man makes a pilgrimage from Paris to Chartres and
comes across a fellow busy breaking stones
What are you doing
My job
Breaking these shitty rocks
My back’s done in
It’s a dog’s job
Shouldn’t be allowed
Would sooner die
Some kilometres further on a second fellow’s busy
doing the same job
Same question
I’m working
I’ve got a family to feed
It’s a bit tough
That’s just how it is and at least I’ve got a job
That’s the main thing
Further on still
Outside Chartres
A third man
His face radiant
What are you doing
I’m building a cathedral
May the prawns and fish be my stones
At first the smell of the factory irritated my nostrils
Now I no longer notice it
The cold is bearable with a big jumper a hoodie two
decent pairs of socks and leggings under my pants
Shifting the heavy loads
I’m finding muscles I didn’t know existed
I am willing in my servitude
Happy almost
The factory has taken me
I refer to it now only as
My factory
As if I had some form of ownership of the machines
or proprietary interest in the processing of the prawns and fish
Small-time casual worker that I am
One among so many others
Soon
We’ll be processing shellfish too
Crabs lobsters spider crabs and crayfish
That’s a revolution I’m hoping to see
Hoping to bag some claws even if I already know it
won’t be possible
It’s bad enough trying to filch just a single prawn
You’ve really got to hide if you want to eat a few
I’m still too obvious my co-worker Brigitte
an older woman has said to me
‘I didn’t see anything but watch it if the bosses catch you’
So now I sneak them out under my apron with my hands
triple gloved to keep out the moisture the cold and everything else
so I can peel and eat what I consider at
the very least to be some form of payment in kind
I’m getting ahead of myself
Back to the writing
‘I write as I speak when the fiery angel of conversation takes hold of me like a prophet’ wrote Barbey d’Aurevilly or something along those lines somewhere
I’m not quite sure where
I write like I think when I’m on my production line
Mind wandering alone determined
I write like I work
On the production line
Return
New line
This is an extract from On the Line by Joseph Ponthus, translated by Stephanie Smee, published by Black Inc. Books.
1.
En entrant à l’usine
Bien sûr j’imaginais
L’odeur
Le froid
Le transport de charges lourdes
La pénibilité
Les conditions de travail
La chaîne
L’esclavage moderne
Je n’y allais pas pour faire un reportage
Encore moins préparer la révolution
Non
L’usine c’est pour les sous
Un boulot alimentaire
Comme on dit
Parce que mon épouse en a marre de me voir
traîner dans le canapé en attente d’une embauche
dans mon secteur
Alors c’est
L’agroalimentaire
L’agro
Comme ils disent
Une usine bretonne de production et de
transformation et de cuisson et de tout ça de
poissons et de crevettes
Je n’y vais pas pour écrire
Mais pour les sous
À l’agence d’intérim on me demande quand je peux
commencer
Je sors ma vanne habituelle littéraire et convenue
« Eh bien demain dès l’aube à l’heure où blanchit
la campagne »
Pris au mot j’embauche le lendemain à six heures
du matin
Au fil des heures et des jours le besoin d’écrire
s’incruste tenace comme une arête dans la gorge
Non le glauque de l’usine
Mais sa paradoxale beauté
Sur ma ligne de production je pense souvent à une
parabole que Claudel je crois a écrite
Sur le chemin de Paris à Chartres un homme fait le
pèlerinage et croise un travailleur affairé à casser
des pierres
Que faites-vous
Mon boulot
Casser des cailloux
De la merde
J’ai plus de dos
Un truc de chien
Devrait pas être permis
Autant crever
Des kilomètres plus loin un deuxième occupé au
même chantier
Même question
Je bosse
J’ai une famille à nourrir
C’est un peu dur
C’est comme ça et c’est déjà bien d’avoir du boulot
C’est le principal
Plus loin
Avant Chartres
Un troisième homme
Visage radieux
Que faites-vous
Je construis une cathédrale
Puissent mes crevettes et mes poissons être mes pierres
Je ne sens plus l’odeur de l’usine qui au départ
m’agaçait les narines
Le froid est supportable avec un gros pull-over un
sweat-shirt à capuche deux bonnes paires de
chaussettes et un collant sous le pantalon
Les charges lourdes me font découvrir des muscles
dont j’ignorais l’existence
La servitude est volontaire
Presque heureuse
L’usine m’a eu
Je n’en parle plus qu’en disant
Mon usine
Comme si petit intérimaire que je suis parmi tant
d’autres j’avais une quelconque propriété des
machines ou de la production de poissons ou de
crevettes
Bientôt
Nous produirons aussi les coquillages et crustacés
Crabes homards araignées et langoustes
J’espère voir cette révolution
Gratter des pinces même si je sais par avance que
ce ne sera pas possible
Déjà qu’on ne peut pas sortir la moindre crevette
Il faut bien se cacher pour en manger quelques-
unes
Pas encore assez discret la vieille collègue Brigitte
m’avait dit
« J’ai rien vu mais gaffe aux chefs s’ils t’attrapent »
Depuis je loucedé sous mon tablier avec ma triple
paire de gants qui me coupent de l’humidité du
froid et de tout le reste pour décortiquer et manger
ce que j’estime être à tout le moins une
reconnaissance en nature
Je m’emballe
Revenons à l’écrit
« J’écris comme je parle quand l’ange de feu de la
conversation me prend comme prophète » écrivait
en substance dans je ne sais plus quoi Barbey
d’Aurevilly
J’écris comme je pense sur ma ligne de production
divaguant dans mes pensées seul déterminé
J’écris comme je travaille
À la chaîne
À la ligne
© Éditions de La Table Ronde, 2019
Pingback: החירות המעטה מתקיימת כשנשאר זמן לשיר – ספרים באוטובוסים