Les Bergères peintes en bleu
L’ombre et la pensée envahissent le ciel Et les champs de nuages prennent l’or des statues Le vent devient tempête et ne se calmera pas Et tout s’accélère et tout est cinéma Un rivage ensablé une fatigue douce Et dormir un instant comme on ferme les yeux Ici pas de nostalgie Les fenêtres sont borgnes sur des murs rassurants Des bergères peintes en bleu trouveront leurs amants Au milieu des troupeaux, au pied des balançoires Dans une automobile un voyage trop long La radio est cassée mon cœur la remplace Là les cartes marines signalent les montagnes Aux navires insouciants jouant les alpinistes Il faut partir encore l’espace est si grand Parcourir encore et le temps est si long Puis dévier les poètes de leur course de comète Et trouver le silence comme manteau d’hiver Des bergères peintes en bleu trouveront leurs amants Au milieu des troupeaux, au pied des balançoires Cette eau est partout sur la terre si fragile Qui ravage et guérit et qui n’en finit plus Mais la vie n’apprend rien et l’humain est un cancre À l’esprit de fenêtre au corps de radiateur Trois sous d’espérance et quinze euros d’enfer Une lune bien pleine sur une bouteille bien vide J’ai troqué ce matin mon âme de géant Contre un cœur de gueux et un amour incertain Des bergères peintes en bleu trouveront leurs amants Au milieu des troupeaux, au pied des balançoires Des lumières scintillent invisibles et volages Qui s’accrochent à nous et nous raccrochent à elles Puis défilent des héros en un glorieux cortège Mais le son des trompettes s’étouffe dans le néant Et la nage des cachalots si belle et harmonieuse Nous cache des mystères qui semblent bien grossiers Une fée certainement pourrait connaître ces questions Mais les fées sont terrestres et n’ont pas les réponses Des bergères peintes en bleu trouveront leurs amants Au milieu des troupeaux, au pied des balançoires S’en reviennent les flots grondants et assaillants Qui cherchent les maisons et ordonnent aux saisons Et l’échiquier est rangé sur un échec et pat Mais les deux adversaires ne se sont pas salués J’irai tout à l’heure m’attarder sur un banc Attendre une rencontre sous la lumière étrange Un vieil homme songeur et déjà résigné Quelques grammes de passé et un regard lointain Des bergères peintes en bleu trouveront leurs amants Au milieu des troupeaux, au pied des balançoires Les palmiers sont figés sur des soleils couchants La photo s’est jouée de l’imagination Nous avons nettoyé la culasse de nos fusils Embrassé nos femmes et nous sommes partis Vogué sur l’océan entendu les sirènes Et les avons confondus avec des lamantins Le brouillard aujourd’hui est encore tenace Il irise les lumières d’auréoles curieuses Des bergères peintes en bleu trouveront leurs amants Au milieu des troupeaux, au pied des balançoires Aimer le silence et sa vanité charmante Comme un paysage traversé sans pourtant s’arrêter Mais se faire des citadelles de livres et de pierres Quelle foutue inconscience ! La pluie tombe bien droite sur des immeubles droits L’homme aussi est bien droit tant de verticalité Les poitrines gonflées sont des signes hasardeux Des sacs à soupirs de bonheur et d’ennui