3 Antoine Emaz Translations

By | 1 October 2020

Poeme des Dunes

Du mieux qu’il le pouvait, il racontait ce temps, d’une voix neutre, sans rancune. À qui aurait-il pu en vouloir ?

//

il serrait toute l’énergie
dans un geste minime
obstiné
mais qui serait n’importe comment effacé
il le savait
tout comme
sa main pouvait creuser à l’intérieur du tas
sa main sans voir
extraire du tas
il grandirait par les bords

//

ce n’était plus lui-même qu’il cherchait
depuis longtemps
cela n’avait plus assez d’importance

mais comme quelque chose
qui aurait été aussi en lui

et il paraissait plus simple
de chercher le défaut
dans ce qui lui était plus proche

//

cela se passait
comme si
à l’intérieur
quelque chose s’éboulait
dans le noir
à mesure qu’il avançait
sans voir
où il mettait les pieds

ce qu’il cernait
à force
il ne parvenait pas à l’investir

cela pouvait durer
plusieurs jours
des semaines
plus longtemps encore

ce qui empêchait
ne dépendait pas de lui

il ne restait plus qu’à attendre

//

certes
les mots allaient un peu plus loin que les mains
mais ils saisissaient moins fermement
il y avait toujours des bouts qui filaient

de plus à l’intérieur
le paysage bougeait
pendant le travail

il disait les dunes bougent
ou bien
les sables remuent dedans

il faudrait pouvoir être mort un moment
et il riait

//

il disait les sables     dans les sables
dedans
toujours une dune
après celle qui vient d’être passée

il ne retenait rien

dans sa main ne pesait
que le poids de l’air

comme s’il ne pouvait rien garder
au passage
lui-même passant
dans un courant trop lent
ou bien trop vite

//

il repartait de ce même point obscur
comme il tâchait de faire la même marche dans les
dunes
approximativement
espérant à force
épuiser

(la parole et la gorge nouées ou lui et la parole comme tordus tressés au point qu’ils ne se démêlaient plus assez pour respirer l’un l’autre)

il était difficile à suivre
de ce fait
il communiquait peu
et on le considérait avec pitié
vraiment
il ne savait pas vivre

//

il disait

un sac de peau
sur quelque chose d’opaque
et sans forme et friable

reste à saisir
comme au bout des mots
tous les jours un peu
ne serait-ce que cela
mais un peu
d’air et de peur

//

Il avait fini.

Il n’y avait guère de progrès, seulement un cerne peut-être un peu plus précis, creusé autour d’une zone.

Le reste continuait à bouger.

Et à la longue, même ce qui avait été circonscrit se remettrait à dériver, lentement d’abord, puis de plus en plus évidemment.

Dire qu’il en avait fini, ce n’était donc qu’une manière d’arranger temporairement les choses.

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